Arpentage et fromage #3
* Les Grands Cahiers *
Fabienne Quéméneur a initié le cycle arpentage et fromage en 2020 avec un premier volet « l’hospitalité » puis un second, « la convivialité ». Cette fois-ci, à l’aube de l’hiver, elle proposait de s’attaquer aux Grands Cahiers* autour de la chaleur d’une raclette : l’occasion de terminer l’année sous le signe de la convivialité et de méditer ensemble les grandes idées qui guident le projet d’Au bout du plongeoir depuis ses débuts et qui se développeront en 2025.
Alors, dans la nuit sur 5 au 6 décembre dernier, un petit groupe de personnes s’est rassemblé autour d’appareils électriques chauffant sur résistances des morceaux de fromage dans le Domaine de Tizé. Elles ont dévoré les Grands Cahiers d’Au bout du plongeoir, dans un acte d’autophagie festif philosophico-communautaire, pour en digérer un (très) Grand Cahier.
En voici le récit.
Arpentage et fromage – les Grands Cahiers
Un banquet sur résistances en 5 actes
(par raguelais)
Les personnages
Fabienne, à la direction artistique et d’acteurices
Marie, au conseil éditorial communautaire
Benoit, à la mise en scène
Les lecteurices Perrine, Françoise, Peggy, Mikaël, Virginie, Marie-France, à l’animation
Les acteurices, à la raclette, au ciboulot et au stylo
Le décor
Autour de la salle : un rectangle de bougies
Une table de reliure au centre, double lumière zénithale
Sur la table : une très grande couverture de livre en carton et en affiches périmées
Autour : six tables, une lumière zénithale sur chacune d’elles
Sur chaque table : une nappe, un Grand Cahier, un cahier de brouillon, un appareil à raclette, des assiettes, des verres, des couverts et des stylos.
Sur chaque nappe : un grand rectangle tracé au feutre blanc
Ce rectangle : une future page du (très) Grand Cahier
Acte 1. 18h – Mise en bouche
les lecteurices
se sont réunies
autour d’un verre
autour des grands cahiers
autour d’eux-mêmes
pour choisir
chacun·e
un grand cahier
au choix :
*ma maison
*l’art de se re-poser
*l’art bâtisseur
*le théâtre-paysage
*l’art social
*traces
Acte. 2. 19h30 – La dévoration ou la mise en commun des idées
les acteurices venu·es de thorigné, de cesson, de rennes et d’ailleurs entrent en scène
s’assoient autour des six tables
répartissent couverts et stylos
lisent à haute voix leur grand cahier
mangent goulument le fromage
qui frétillent sous le feu et les patates
iels agrémentent de choux au curry
de cornichons
de compotée d’oignons caramélisées
leur grasse discussion
la bouche avale patate
exprime idée
avale fromage
exprime vision
tout se mélange dans ces ventres rassemblés
le rituel de la raclette
le rituel de l’arpentage
rituel sur rituel
tout en même temps
pas peur de l’indigestion
à au bout du plongeoir
on aime manger et créer
car finalement tout est affaire de digestion
depuis toujours
depuis le feu et les cavernes
depuis rabelais et gargantua
fabienne au micro dirige les acteurs avec fougue
à en prendre feu !
exhortant la salle à la réflexion, à l’expression
à la sacro-sainte participation
les scribes de chaque table scribent ce qui sort de la bouche de leurs camarades
les camarades écrivent sur le bord de la nappe ce qui sort de leurs têtes
entre une tâche de graisse et une queue de cornichon
Acte 3. 21h – Le débarrassage ou l’écriture
quand le fromage est englouti
et qu’il n’y a plus d’essence dans le moteur
c’est l’heure du grand débarrassage
pas sage du tout
passage de tout
de la table à la salle
de la table au cahier
de la nappe à la page
chaque scribe
partage avec la salle
les conclusions de son banquet patato-philosophique
-un nouveau concept pour nos amis pataphysiciens, soit dit en passant-
de leurs habiles doigts huilés
les acteurs écrivent
la page de leur cahier
Acte 4. 22h – Le recyclage des nappes ou la mise en page
arrive alors le moment solennel
le moment émouvant
le moment mou
le moment grand
le moment de la grande reliure
celle qui a le pouvoir de relier
des personnes
des idées
des visions
des patates
dans le froid d’une nuit d’hiver
chaque scribe découpe sa nappe-page
-tel le fromage sur la patate-
et l’apporte
sous les yeux émus de ses camarades
au centre de la salle
sur la table de la grande reliure
convergent alors
toutes les pages
Acte 5. 22h30 – La reliure ou habemus notre très grand cahier
marie les attend
avec sa grande aiguille
-taillée sur le vif dans un pic à brochette
par notre technicien benoit-
et les scribes découpent
et les pages s’empilent
lorsque toutes les pages sont enveloppées dans leur couverture
marie, assistée par emmanuel
transperse le tout de sa grande aiguille
et relie le tout
pour lier le tout
pour lire le tout
pour rire le tout
au centre du cercle de feu
que forment les acteurices ébloui·es
apparaît alors
le (très) Grand Cahier
notre digestion collective des idées de l’association
notre attaché case pour le nomadisme
notre guide pour l’année à venir
la patato-philiosophie est née.
rideau.
Merci à toutes et tous
pour cette belle cérémonie
c’est quoi les Grands Cahiers ?
ce sont les grands cahiers des membres fondateurs de l’association
Chacun des membres fondateurs de l’association Au bout du plongeoir écrit une page de l’aventure de la Fabrique d’art et de rencontre (constituant ainsi les premières expressions et traductions concrètes de notre philosophie) en se chargeant de la mise en œuvre d’un projet imaginé, rêvé et écrit dans ce qui est dénommé les « Grands Cahiers ». ils traitent de thèmes aussi variés que la coopérative, l’art social, ma maison, l’art de se re-poser, le théâtre-paysage, l’art bâtisseur.